Il ne faut jamais gifler un sourd. Il perd la moitié du plaisir. Il sent la gifle mais il ne l’entend pas. Georges Courteline

La surdité, le silence et le visuel

 

La surdité touche à différents degrés 4 à 5 millions de personnes en France. C’est un état qui ne se voit pas. De ce fait, nombreuses personnes ne savent comment l’aborder. En règle générale, il faut que la personne concernée ait de façon permanente les lèvres visibles de l’interlocuteur. En effet, nous, qui n’entendons pas, lisons sur les lèvres. Il faut articuler, parler distinctement, et lentement, pas forcément plus fort... Je dis bien « pas forcément » car quand on est sourd, on n’entend pas, mais la plupart des sourds entendent grâce à leur appareillage et préfèrent qu’on parle bien fort sans crier sauf si c'est avec votre grand-père qui n'entend plus très bien, mais c'est une toute autre histoire.


Les différents degrés de surdité et ses conséquences :


Surdité légère (Perte de 20 à 40 dB).

- 40dB représente le volume sonore d'une conversation courante.
La parole normale est perçue mais certains éléments phonétiques échappent. La voix faible n'est pas correctement perçue.
La personne concernée peut présenter des signes de fatigabilité, d'inattention, un certain flou de compréhension, des difficultés articulatoires.
Au-dessus de 30 dB de perte, si l'enfant est gêné à l'école, l'appareillage est possible.


Surdité moyenne (Perte de 40 à 70 dB).

- 60 dB représente le niveau sonore d'une conversation vive.
La parole n'est perçue que si elle est forte.
La personne présente des troubles du langage et de l'articulation importants : c'est la compréhension lacunaire.
Entre 55 et 70 dB de perte, les personnes perçoivent la voix forte sans comprendre les paroles : l'appareillage et la rééducation sont alors nécessaires.

Surdité sévère (Perte de 70 à 90 dB).

- 80 dB représente le volume sonore d'une rue bruyante.
Certains personnes entendent la voix à forte intensité mais ne comprennent pas les paroles.
L'amplification des sons est insuffisante pour qu'il y ait élaboration spontanée de langage intelligible. Ces personnes procèdent par désignation de l'objet désiré.
Ces personnes ont besoin d'un appareillage, d'une rééducation et d'une lecture labiale.


Surdité profonde (Perte supérieure à 90 dB).

- 100 dB représente le bruit d'un marteau-piqueur ; 120dB celui d'un réacteur d'avion à 10 mètres.
La personne n'a aucune perception de la voix et aucune idée de la parole.
Pour une surdité profonde, on recalcule une moyenne des seuils des fréquences 250, 500, 1000 et 2000 Hz, ce qui permet de distinguer 3 sous-catégories :

  perte de 90 à 100 dB : surdité profonde de type I

  perte de 100 à 110 dB : surdité profonde de type II

  perte supérieure à 110 dB : surdité profonde de type III


Il existe plusieurs aides pour la communication : la LSF « Langue des Signes Française », le français signé (qui n’est pas une vraie langue officielle, elle utilise les signes de la LSF en suivant la grammaire du français), le LPC « Langage Parlé Complété », etc...


Personnellement, je suis sourde profonde de type III, soit la plus profonde qu’on connait. Jusqu’à mes 8 ans, je fus appareillée avec des prothèses auditives. Mais, face à ma surdité importante, je ne percevais pas suffisamment les sons, je fus alors implantée. L’implant cochléaire est également un appareil auditif plus puissant que les prothèses qui stimule le nerf auditif et passe par la cochlée contrairement aux prothèses qui agissent sur le tympan. Ici le mode de fonctionnement d’un implant cochléaire et ici le mode de fonctionnement des prothèses auditives.


Je me permets, ici, de vous faire part de mon mécontentement suite aux « phobies » de l’implant. Beaucoup d’entre nous, malheureusement, contestent l’implantation argumentant sur une instrumentalisation, une robotisation de l’être humain. Certes, cela demande une opération, et donc autant de risques que n’importe quelle autre intervention. Quand on implante un sourd, c’est seulement quand il ne perçoit pas suffisamment ou pas du tout les sons malgré les prothèses. On ne l’implantera pas systématiquement. Cependant, il faut reconnaître que les médecins doivent, de leur côté, dire toute la vérité aux parents d’enfants sourds, et proposer davantage d’aides au niveau du langage, de l’accompagnement de l’enfant sourd, de l’éducation, à ne pas se focaliser sur l’oreille purement médicalement... Nous ne sommes pas malades, la surdité est un "état" qui ne peut pas être guéri à moins qu’il y ait un miracle. Je le dis car certains politiques prennent la surdité comme une maladie qu’il faut à tout prix « soigner ».


Face aux gens qui sont complètement contre l’implant, je leur dirais bien que je suis contre les prothèses car ce sont elles qui ont provoqué une otite qui m’a fait perdre mon audition de l’oreille gauche à 100%. (bien entendu, je ne suis pas contre, mais cela reste une même idée). Toute chose a un inconvénient ! Pour moi, et beaucoup d’autres, heureusement que l’implant existe, sinon...


Et l’implant ne supprime PAS la LSF !


J’oralise, je maîtrise la Langue des Signes Française (LSF), le Langage Parlé Complété (LPC). Cette forme de bilinguisme me permet d’être aussi à l’aise envers les entendants que les sourds.

Il m’est donc difficile de constater que certains préconisent un choix entre l’oralisme et la LSF, on peut très bien s’exprimer dans les deux langues ! Tout comme l’Anglais et l’Allemand...















                        L.S.F.                                                L.P.C.                                            Oralisation

        Fière de noétomalalier en 3D !             Fière de coder en 2D !                     Fière d'oraliser en 1D !


La plupart, je dis bien la plupart, des comportements inappropriés face à la surdité ne viennent pas de la méchanceté mais bien de l'ignorance. Souvent, la solution de l’entourage est la fuite. Depuis toujours, je l'ai expliqué à des gens qui n'ont pas compris à la fin et qui continuaient de se comporter d'une façon inadaptée, ce qui est décourageant. Il ne faut pas réagir en tant que personne entendante et penser que vous pouvez comprendre la surdité. Il n'y a qu'un très petit nombre de personnes entendantes qui peuvent comprendre...


Puis je note qu’un sourd n’est pas bête. La surdité en elle-même ne retentit pas sur l’intelligence... Pourquoi cette idée calomnieuse ?


Il ne faut pas dire SOURD-MUET, c'est une fausse (surtout vieille) appellation que l'on utilise par défaut, et qui existe dans le dictionnaire ce qui constitue, à mon avis, une grave erreur. Dans le langage courant, celui où on ne pèse pas ses mots, il est fréquent d’entendre parler d’un sourd-muet. Ces deux déficiences physiques doivent pourtant être dissociées, car il s’agit bien de deux problèmes distincts et non liés..! Les sourds ne sont presque jamais muets. C’est une confusion entre la surdité qui touche l'oreille et les cordes vocales, cela n'a rien à voir : je suis sourde, je n'entends rien sans mon implant MAIS je sais m’exprimer, entendre grâce à l’implant, et je perçois les sons du mieux que je peux... Les sourds ont des cordes vocales comme les entendants, il est possible qu'ils n'aient pas été éduqués pour la communication orale alors ils ne pourront pas ou ne voudront pas parler parce qu'ils savent que ça ne sortira pas correctement puisqu’ils ne s’entendent pas, cela varie selon les milieux et les degrés de surdité mais ils ne sont PAS muets. (ici pour plus d’infos)


« J’entends ce que je vois. Mais voir n’est pas forcément comprendre... »


Lecture labiale et implant, LES DEUX ENSEMBLE m'aident à la compréhension.


Non, l'appareil seul n'est pas suffisant pour comprendre clairement, ça produit des sons mais pas pour que les mots puissent être distingués.


La lecture labiale seule ne suffit pas non plus, c'est un exercice fatigant et difficile : cela représente des efforts conséquents à fournir, et ne se pratique pas facilement avec tout le monde et dans tous les lieux. On estime que 30 à 40 % seulement du message est « lu » sur les lèvres, le reste étant interprété par la personne sourde suivant le contexte (suppléance mentale).

En fait, la lecture labiale consiste à reconnaître le phonème que le sujet est en train de prononcer, en fonction de la forme de la bouche et du visage. La distinction entre « PA » et « BA » par exemple, ou entre « DA » et « TA », entre « FA » et « VA » n’est pas possible par le biais de la lecture labiale. Certaines consonnes sont invisibles : BAS et BAR s’articulent de la même façon. D’autres confusions consonantiques peuvent apparaître avec certaines voyelles : TARD avec DARD ; ou disparaître avec d’autres : TIRE contre LIRE. Mais, heureusement, dans les 70 % restants, le cerveau pallie l’insuffisance de l’information en devinant, selon le contexte de la conversation, le sens global de la phrase. C’est ce qu’on appelle la suppléance mentale.

Concrètement, par exemple, les mots lus sur les lèvres : « manger », « maison », « film » déduisent la phrase suivante : « Je vais manger à la maison, et voir un film ».

Voici un aperçu très réaliste accompagné d’une vidéo que je conseille très fortement à visualiser : http://www.tendancesourd.com/lecture-labiale/


Converser est un effort : je dois me concentrer sur la prononciation des mots, à placer ma voix, la langue etc et parallèlement à décrypter les lèvres de l'interlocuteur.


Le fait que j’oralise, que je sois appareillée, NE fait PAS de moi une personne entendante !


Résultat après maintes reprises pour avoir appris à parler grâce :
    - aux cours d’orthophonie pendant plusieurs années,
    - le port d’appareils auditifs puis de l’implant,
    - au soutien de la famille et entourage qui est très important,
aujourd’hui à l’heure actuelle, je suis fière de moi d’avoir pu faire face à des épreuves difficiles. Ainsi, je peux communiquer avec tout le monde, ce qui me permet de m’ouvrir même si le monde des entendants a encore du travail à faire..!